ASSEMBLEE NATIONALE - mercredi 24 janvier 2007
Source : Compte rendu analytique officiel
1ère séance du mercredi 24 janvier 2007
Source : Compte rendu analytique officiel
1ère séance du mercredi 24 janvier 2007
Lien : http://www.assemblee-nationale.fr/12/cra/2006-2007/121.asp#P201_43744
EXTRAITS des interventions :
EXTRAITS des interventions :
Mme Béatrice Vernaudon – La loi organique que nous examinons ne devait pas concerner la Polynésie. Pourtant l'actualité politique locale est tournée vers l'amendement que les deux députés polynésiens vont défendre, et qui a été repris par la commission des lois. Il vise à en revenir au mode d'élection des représentants à l'Assemblée de Polynésie française antérieur à la loi organique du 27 février 2004. En effet, après la révision constitutionnelle de mars 2003, une loi organique renforçant le statut d'autonomie de la Polynésie a porté le nombre des membres de l'assemblée de Polynésie de 49 à 57, et partagé la circonscription des Tuamotu en deux circonscriptions ; surtout, elle a introduit une prime majoritaire du tiers des sièges au profit de la liste ayant recueilli la majorité des suffrages dans chaque circonscription. Les élections de mai 2004 ont démontré que cette prime ne parvenait pas à assurer une majorité stable : obtenue par des listes différentes selon les circonscriptions, ses effets se sont annulés. Ainsi, le parti arrivé en tête n'a eu la majorité que d'une voix sur 57. Cinq mois plus tard, en octobre 2004, le vote d'une première motion de censure remettait en cause le résultats des élections. II y en a eu deux autres depuis. La Polynésie en est à son quatrième gouvernement en moins de deux ans. De l'avis de tous, cette instabilité trouve sa cause dans le système de la prime majoritaire.
La présente loi organique était donc une opportunité à saisir pour modifier le système et contribuer à l'apaisement de la situation en Polynésie. J'avais, en octobre, déposé une proposition de loi dans ce sens, et je remercie les 34 collègues qui l'avaient cosignée. J'espérais alors que l'assemblée de Polynésie serait consultée pour avis, cette consultation étant un préalable à tout examen de la question par le Parlement. Je regrette que cela n’ait pas été le cas. Le débat a eu lieu au Conseil économique, social et culturel, saisi pour avis. Une majorité de conseillers se sont montrés favorables au second volet de ma proposition, relatif au redécoupage de la grande circonscription des Îles du Vent. Cependant, le Conseil a conclu que l'urgence était le retour à la stabilité politique, et il s’est prononcé pour la proposition de loi organique de MM. Lagarde et Morin, qui ne visait que la suppression de la prime majoritaire et le relèvement du seuil de répartition des sièges. Le Conseil a également souhaité un retour rapide aux urnes et recommandé une révision plus globale du statut de 2004.
J'admets, Monsieur le ministre, qu'une modification du mode de scrutin des représentants à l'assemblée de Polynésie opérée par amendement, dans une loi organique qui ne lui est pas consacrée, doive se limiter à la suppression de la prime majoritaire et ne s’étende pas à la division d'une des six circonscriptions. Vous admettrez pour votre part que ce redécoupage présenterait à de multiples égards un progrès démocratique et qu'il reviendra sans doute en son temps devant le Parlement. Pour l’heure, Michel Buillard et moi avons donc défendu cet amendement tendant au retrait de la prime majoritaire, qui a été repris par la commission des lois. Je souhaite que vous le votiez pour contribuer à l’apaisement de la vie politique locale et pour mieux garantir le pluralisme politique au sein de l’assemblée de Polynésie.
M. Mansour Kamardine - Nous le voterons !
Mme Béatrice Vernaudon - Merci !
Dans le projet de loi ordinaire qui complète la loi organique, quatre articles intéressent la Polynésie française. À l'article 4, le Sénat a modifié le mode de scrutin pour les élections européennes en créant deux circonscriptions. Trois des huit circonscriptions seront attribuées à l'outre-mer afin que chaque région – océan Indien, Caraïbes et Pacifique – puisse disposer d’un député. Aujourd'hui en effet, pour des raisons démographiques, les trois députés européens représentant les collectivités françaises d’outre-mer sont originaires de la seule île de la Réunion. Or, tant la nature des relations avec l'Europe que les questions à traiter diffèrent selon les régions. Cette répartition permettra, en espérant qu’elle passera le filtre du Conseil constitutionnel, une meilleure représentation des intérêts ultramarins. Elle permettra en tout cas aux collectivités du Pacifique de négocier une autre place dans l’Union et une meilleure intégration dans les programmes européens, notamment dans les domaines de l’environnement, des énergies renouvelables et de l’éducation.
À l'article 9, je salue l'initiative du Gouvernement tendant à ce que la dotation de continuité territoriale puisse financer une aide au passage aérien des personnes résidant en métropole en cas d'événement grave survenant à un membre de leur famille outre-mer. Cette ouverture, dans le sens métropole-outre-mer, était réclamée par plusieurs associations. Les « tomiens » notamment, contrairement aux domiens, n'ont pas la chance de bénéficier des congés bonifiés lorsqu'ils travaillent dans l'une des trois fonctions publiques. Cependant, la limitation aux « événements graves » paraît bien restrictive. Le prochain pas en avant sera la prise en compte de critères sociaux par les collectivités qui le souhaitent, et ce à enveloppe constante.
À l'article 10, le Gouvernement est autorisé à prendre des mesures par ordonnance pour étendre et adapter une partie des lois concernant les compétences de l’État, adoptées sous cette législature, voire antérieurement. Ainsi en ira-t-il en matière de bioéthique, pour rendre possibles de futures greffes de reins à Papeete. S'agissant de l'hospitalisation des personnes sans leur consentement, relayant la demande récurrente des personnels de l'hôpital psychiatrique, j'insiste, Monsieur le ministre, pour que le nouveau texte, qui doit se substituer à celui de 1913 encore en vigueur en Polynésie, soit très rapidement publié.
À l'article 11, il nous est proposé de ratifier plusieurs ordonnances prises dans les conditions prévues aux articles 38 ou 74 de la Constitution, dont l’une, en date du 4 janvier 2005, porte statut général des fonctionnaires des communes et groupements de communes de la Polynésie française. La ratification de cette ordonnance marquera une étape importante dans la modernisation de nos communes, dont le cadre juridique actuel correspond à celui des communes de métropole avant 1982. Elle donnera aux 4 000 agents communaux de Polynésie le statut de fonctionnaire : ceux-ci auront désormais les mêmes garanties, les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’ensemble des fonctionnaires. Jusqu'à sa ratification, cette ordonnance a été adaptée pour tenir compte des spécificités de la Polynésie française. Je tiens à rendre ici hommage à tous ceux qui ont travaillé à ce grand chantier – élus communaux, autorités du pays et de l'État, organisations syndicales.
Une seconde ordonnance sera publiée dans quelques semaines pour étendre, en l'adaptant, le champ d’application du code général des collectivités territoriales à la Polynésie française. Après la loi organique de février 2004 qui renforce les compétences des communes, ces deux ordonnances définissent le cadre juridique de la décentralisation de la Polynésie et de la modernisation de ses communes.
Pour un territoire morcelé sur une surface aussi vaste que l'Europe, ce nouveau contexte offre d’intéressantes perspectives en matière de développement démocratique, économique et social. Le succès de la réforme repose sur les relations de confiance et le partenariat que les autorités de l'État et du pays sauront entretenir entre elles, ainsi qu’avec les élus communaux. Vous êtes attaché, Monsieur le ministre, à ce succès dont vous avez compris l'importance en nous rendant visite sur place il y a un an.
Vous nous avez assuré du concours financier de l'État car cette réforme aura un coût. Je souhaite, pour ma part, que l’on retienne en priorité le projet de réalisation d'un espace institutionnel partagé qui abriterait le centre de gestion et de formation ainsi que le syndicat pour la promotion des communes, d'autres syndicats intercommunaux, des services du pays et de l'État concourant à la formation de l'ensemble des agents publics de Polynésie. Un tel espace permettrait de sceller des partenariats forts et de réaliser des économies d'échelle. Il symboliserait la volonté d'agir ensemble et de manière complémentaire. Il marquerait la priorité accordée à la performance des services publics et à la formation de leurs agents, indispensables au développement économique, social et culturel durable de la Polynésie.
Ces lois sont de bonnes lois pour l'outre-mer, pour la Polynésie en particulier. Je les voterai donc (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
(...)
M. Jean-Christophe Lagarde - (...)
J’en viens à la Polynésie française. Le projet de loi organique offre la possibilité de revenir à un mode de scrutin que l’UDF est seule à avoir toujours défendu, et qui était en vigueur avant le coup de force de M. Flosse pour obtenir du Parlement, contre l’avis de toutes les formations politiques de Polynésie française, un mode de scrutin censé le favoriser. Avoir perdu le pouvoir semble l’avoir ramené à la raison : il trouve désormais que le mode de scrutin précédent n’était pas si mal. Il avait en tout cas garanti la stabilité et la représentativité, alors qu’en forçant des gens de bords contraires à se mettre ensemble pour bénéficier d’une prime électorale, on avait créé l’instabilité à l’assemblée de Polynésie. Je ne suis pas convaincu que le nouveau gouvernement issu d’une motion de censure tienne très longtemps. La réforme du mode de scrutin est toujours aussi urgente, et mieux vaudrait un retour aux urnes, après une longue crise politique. Hervé Morin et moi-même avions déposé une proposition de loi à ce sujet, et lors de sa dernière visite en Polynésie, François Bayrou avait demandé cette clarification. Sur ce texte, j’ai déposé des amendements. M. Buillard fait la même proposition, je m’en réjouis. Les manœuvres à l’assemblée de Polynésie, et ici même en commission, visaient à ce que ce soit un amendement Buillard–Vernaudon qui soit voté, plutôt qu’un amendement Lagarde ; si cela peut faire réélire M. Buillard, je ne ferai pas de procès en paternité. Ce sera en tout état de cause un retour à la sagesse. Je regrette que l’UMP ait prêté la main à l’époque à ce changement de mode de scrutin, et je ne comprends pas, Monsieur Dosière, que ceux qui s’étaient battus contre ce mauvais coup fomenté par le sénateur Flosse, présent ici même dans les tribunes, développent aujourd’hui des arguties pour maintenir le mode de scrutin actuel.
(...)
Mme Béatrice Vernaudon – J’avais déposé en octobre dernier une proposition de loi relative au mode de scrutin en Polynésie, cosignée par 37 de nos collègues. Si une partie de cette proposition de loi a été reprise par la commission, qui a déposé un amendement tendant à supprimer la prime majoritaire, je vous proposerai un article additionnel reprenant l’autre partie, à savoir le redécoupage de la circonscription des Îles du Vent.
D’un point de vue démographique, cette circonscription concentre en effet trois fois plus de population que l’ensemble des autres circonscriptions. Sociologiquement, les intérêts des circonscriptions de « Tahiti rural » et de « Moorea » diffèrent en outre de ceux de « Tahiti urbain ». À cela s’ajoute l’annulation, en 2004, des opérations électorales dans les Îles du Vent, qui avait privé l’Assemblée de Polynésie de plus de la moitié de ses membres. Imaginez seulement que notre Chambre fonctionne avec 200 députés sur 577… C’est ce qui s’est passé en Polynésie pendant quatre mois.
M. René Dosière – L’instabilité politique en Polynésie n’est pas seulement liée au mode de scrutin, et le changement de celui-ci n’est pas de nature à y mettre un terme. Elle résulte en effet de trois facteurs. D’abord l’attirance de certains élus pour l’argent et les avantages matériels au détriment de l’intérêt général. Or, le nouveau statut ne fera que renforcer les dérives clientélistes, déjà favorisées par une exception troublante : l’assemblée de Polynésie est en effet la seule à voter elle-même le niveau de rémunération de ses membres… Si Oscar Temaru s’est trouvé en difficulté, c’est sans doute qu’il n’a pas su rivaliser avec Gaston Flosse dans le maniement des hommes et de l’argent. (Exclamations sur certains bancs du groupe UMP)
Deuxième facteur d’explication, l’attitude des adversaires de l’UPLD, qui n’ont pas cessé de mettre en cause le gouvernement légitime en recourant au GIP : cette milice a occupé des locaux, lancé des grèves et organisé des manifestations… Aujourd’hui condamné par la chambre régionale des comptes, le GIP a pourtant été toléré par l’État.
Enfin, le gouvernement français a contribué à l’instabilité politique de la Polynésie en exprimant de manière subtile ses réserves à l’égard du nouveau gouvernement de Polynésie : les crédits sont arrivés plus difficilement, les négociations se sont embourbées, il a fallu six mois pour que les autorités métropolitaines reçoivent M. Temaru, contre seulement huit jours pour M. Tong Sang – je pense au Président de la République et au Premier ministre, pas à vous, Monsieur Baroin : vous avez été d’une parfaite rectitude républicaine.
Face à toutes ces difficultés, le gouvernement Temaru a sans doute manqué d’expérience, sans doute aussi a-t-il commis des erreurs, mais cela regarde les seuls Polynésiens.
Le gouvernement actuel dispose certes d’une majorité, mais elle reste très fluctuante, certains élus risquant de céder à la tentation de susciter une dissolution afin de provoquer une confusion entre les élections locales et les élections législatives et présidentielle. Un changement du mode de scrutin n’apaisera donc pas la Polynésie. Il aggravera plutôt l’instabilité.
M. Jean-Christophe Lagarde – Sur le mode de scrutin en Polynésie – sur lequel le débat est engagé bien que ce ne soit pas l’objet de l’article 7 –, la position de l’UDF n’a pas changé : en 2004, nous dénoncions déjà l’instauration d’une prime majoritaire, coup de force de M. Flosse, que notre collègue Dosière avait à l’époque également dénoncé.
Ce système conduit en effet des candidats dont les opinions divergent à se présenter ensemble. Ce n’est pas le Gouvernement métropolitain qui est responsable des difficultés de M. Temaru : ses alliés l’ont quitté parce qu’il n’a pas respecté ses engagements électoraux.
Nous devons permettre aux électeurs de choisir. Ne les contraignons pas à voter pour M. Temaru au motif qu’ils ne veulent plus de M. Flosse ! Nous devons en outre permettre à une majorité de gouverner conformément aux souhaits des électeurs.
En revenant sur le mode de scrutin actuel, nous n’aurons certes pas tout réglé, mais nous pourrons renouer avec les forces politiques en présence, tout en prémunissant la Polynésie contre de nouvelles crises. Ce territoire, qui souffre d’une grave crise économique et sociale, a besoin de retrouver les moyens de se gouverner.
M. Michel Buillard - Pour information de l’Assemblée, le redécoupage proposé n’a pas été soumis à l’assemblée de Polynésie, ni au conseil économique, social et culturel.
Mme Béatrice Vernaudon - Au conseil, si.
M. Michel Buillard - Il était favorable au principe, pas à la proposition précise. Moi-même, je n’ai pas été associé à cette démarche. S’il faut procéder à un redécoupage, il convient de consulter largement la population et la représentation territoriale. Enfin, le recensement sera effectué l’an prochain. Attendons les résultats.
D’autre part, M. Dosière, qui nous dit sacrifier à sa vieille passion pour la Polynésie, obéit plutôt, selon moi, à son obsession qui est de salir la représentation territoriale. Je m’inscris en faux contre ses propos. Certes, le milieu politique a ses pratiques. Mais il faut savoir que le Président Chirac a vainement attendu M. Temaru, lequel est resté dans sa chambre d’hôtel. M. Brard parlait de racisme. Monsieur Dosière, abandonnez un instant votre vision partisane. Vous savez très bien quels propos M. Temaru utilise à l’endroit des Français de métropole. De tels propos me font mal. Comme l’a dit M. Lagarde, M. Temaru est tombé de lui-même, en raison de ses erreurs, de son incapacité à gérer, de son mépris pour son peuple.
M. le Président – Je suis saisi par le groupe UDF d’une demande de scrutin public sur le vote de l’amendement 474 rectifié.
M. Victorin Lurel - Je dois le dire solennellement, nous ne pouvons nous associer au changement de mode de scrutin en Polynésie tel qu’il nous est proposé. Comment parler de consensus quand 29 personnes sur 57 ont voté en faveur de cette mesure ? On nous dit aussi que le consensus s’est fait dans le cercle des autonomistes républicains. Mais que je sache, M. Temaru est un élu. On n’a pas à l’écarter. Un mode de scrutin nécessite un large consensus. Les conditions ne sont pas réunies pour cela. Comment accepter de changer deux fois le mode de scrutin en trois ans, à la demande de la même formation politique ? Et le faire quand la législature se termine n’est vraiment pas opportun. La sagesse serait de retirer cette disposition.
Les amendements 369 de M. Quentin, 246 rectifié et 247 de la commission, 370 de M. Quentin, 248 rectifié de la commission, 371 de M. Quentin, 249 rectifié, 250 et 251 de la commission, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
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L'avis du Conseil Economique Social et culturel de la Polynésie française sur la modification du mode de scrutin est en ligne :